Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/350

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Ses lèvres s’étaient posées sur le front du mort ; et, comme elle le trouvait refroidi à peine, encore tiède de vie, elle put avoir un instant d’illusion, croire qu’il restait sensible à cette caresse dernière, si longtemps attendue. N’avait-il pas souri dans son immobilité, heureux enfin et pouvant achever de mourir, à présent qu’il les sentait là tous deux, elle et l’enfant qu’elle portait ? Puis, défaillante devant la terrible réalité, elle sanglota de nouveau, éperdument.

Martine entrait, avec une lampe, qu’elle posa à l’écart, sur un coin de la cheminée. Et elle entendit Ramond, qui surveillait Clotilde, inquiet de la voir bouleversée à ce point, dans sa situation.

— Je vais vous emmener, si vous manquez de courage. Songez que vous n’êtes pas seule, qu’il y a le cher petit être, dont il me parlait déjà avec tant de joie et de tendresse.

Dans la journée, la servante s’était étonnée de certaines phrases, surprises par hasard. Brusquement, elle comprit ; et, comme elle était sur le point de quitter la chambre, elle s’arrêta, elle écouta encore.

Ramond avait baissé la voix.

— La clef de l’armoire est sous l’oreiller, il m’a répété plusieurs fois de vous en avertir… Vous savez ce que vous avez à faire ?

Clotilde tâcha de se rappeler et de répondre.

— Ce que j’ai à faire ? pour les papiers, n’est-ce pas ?… Oui, oui ! je me souviens, je dois garder les dossiers et vous donner les autres manuscrits… N’ayez pas peur, j’ai toute ma tête, je serai très raisonnable. Mais je ne veux pas le quitter, je vais passer la nuit là, bien tranquille, je vous le promets.

Elle était si douloureuse, l’air si résolu à le veiller, à rester avec lui tant qu’on ne l’emporterait pas, que le médecin la laissa faire.