Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/351

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— Eh bien ! je vous quitte, on doit m’attendre chez moi. Puis, il y a toutes sortes de formalités, la déclaration, le convoi, dont je veux vous éviter le souci. Ne vous occupez de rien. Demain matin, tout sera réglé, quand je reviendrai.

Il l’embrassa encore, il s’en alla. Et ce fut alors seulement que Martine disparut à son tour, derrière lui, fermant à clef la porte, en bas, courant par la nuit devenue noire.

Maintenant, dans la chambre, Clotilde était seule ; et, autour d’elle, sous elle, au milieu du grand silence, elle sentait la maison vide. Clotilde était seule, avec Pascal mort. Elle avait approché une chaise, contre le lit, au chevet, elle s’était assise, immobile, seule. En arrivant, elle avait simplement retiré son chapeau ; puis, s’étant aperçue qu’elle avait gardé ses gants, elle venait aussi de les ôter. Mais elle demeurait là en robe de voyage, poussiéreuse, fripée, par les vingt heures de chemin de fer. Sans doute, le père Durieu avait, depuis longtemps, déposé les malles, en bas. Et elle n’avait ni l’idée ni la force de se débarbouiller, de se changer, anéantie à présent sur cette chaise où elle était tombée. Un regret unique, un remords immense, l’emplissaient. Pourquoi avait-elle obéi ? pourquoi s’était-elle résignée à partir ? Si elle était restée, elle avait la conviction ardente qu’il ne serait pas mort. Elle l’aurait tant aimé, tant caressé, qu’elle l’aurait guéri. Chaque soir, elle l’aurait pris entre ses bras pour l’endormir, elle l’aurait réchauffé de toute sa jeunesse, elle lui aurait soufflé de sa vie dans ses baisers. Quand on ne voulait pas que la mort vous prît un être cher, on restait pour donner de son sang, on la mettait en fuite. C’était sa faute, si elle l’avait perdu, si elle ne pouvait plus, d’une étreinte, l’éveiller de l’éternel sommeil. Et elle se trouvait imbécile de n’avoir pas compris, lâche