Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/360

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— Non, non, je ne puis pas ! Il me semble que monsieur va ouvrir les yeux.

Et, frissonnantes, éperdues, elles restèrent encore un instant dans la chambre, pleine du grand silence et de la majesté de la mort, en face de Pascal immobile à jamais et de Clotilde anéantie, sous l’écrasement de son veuvage. La noblesse d’une haute vie de travail leur apparut peut-être sur cette tête muette, qui, de tout son poids, gardait son œuvre. La flamme des cierges brûlait très pâle. Une terreur sacrée passait, qui les chassa.

Félicité, si brave, qui n’avait, autrefois, reculé devant rien, pas même devant le sang, s’enfuyait comme poursuivie.

— Venez, venez, Martine. Nous trouverons autre chose, nous allons chercher un outil.

Dans la salle, elles respirèrent. La servante se souvint alors que la clef du secrétaire devait être sur la table de nuit de Monsieur, où elle l’avait aperçue la veille, au moment de la crise. Elles y allèrent voir. La mère n’eut aucun scrupule, ouvrit le meuble. Mais elle n’y trouva que les cinq mille francs, qu’elle laissa au fond du tiroir, car l’argent ne la préoccupait guère. Vainement, elle chercha l’Arbre généalogique, qu’elle savait là d’habitude. Elle aurait si volontiers commencé par lui son œuvre de destruction ! Il était resté sur le bureau du docteur, dans la salle, et elle ne devait pas même l’y découvrir, au milieu de la fièvre de passion qui lui faisait fouiller les meubles fermés, sans lui laisser le calme lucide de procéder méthodiquement, autour d’elle.

Son désir la ramena, elle revint se planter devant l’armoire, la mesurant, l’enveloppant d’un regard ardent de conquête. Malgré sa petite taille, malgré ses quatre-vingts ans passés, elle se dressait, dans une activité, une dépense de force extraordinaire.