Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/177

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répondait, d’un chant plus léger. L’hymne Pange lingua s’éleva très pure, la rue était pleine d’un grand frissonnement de mousseline, les ailes envolées des surplis, que les petites flammes des cierges criblaient de leurs étoiles d’or pâli.

— Oh ! sainte Agnès ! murmura Angélique.

Elle souriait à la sainte, que quatre clercs portaient sur un brancard de velours bleu, orné de dentelle. Chaque année, elle avait un étonnement, à la voir ainsi hors de l’ombre où elle veillait depuis des siècles, tout autre sous la grande lumière, dans sa robe de longs cheveux d’or. Elle était si vieille et très jeune pourtant, avec ses petites mains, ses petits pieds fluets, son mince visage de fillette, noirci par l’âge.

Mais Monseigneur devait la suivre. On entendait déjà venir, du fond de l’église, le balancement des encensoirs.

Il y eut des chuchotements, Angélique répéta :

— Monseigneur… Monseigneur…

Et, à cette minute, les yeux sur la sainte qui passait, elle se rappelait les vieilles histoires, les hauts marquis d’Hautecœur délivrant Beaumont de la peste, grâce à l’intervention d’Agnès, Jean V et tous ceux de sa race venant s’agenouiller devant elle, dévots à son image ; et elle les voyait tous, les seigneurs du miracle, défiler un à un, comme une lignée de princes.

Un large espace était resté vide. Puis, le chapelain