Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/253

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Elle répondit d’un signe de tête, simplement, dans toute la force et la simplicité de son cœur.

— Mais tu le disais toi-même, la pauvre chère fillette en mourra… Veux-tu donc sa mort ?

— Oui, sa mort, plutôt qu’une vie mauvaise.

Il s’était redressé, frémissant, et il se réfugia entre ses bras, et tous deux sanglotèrent. Longtemps, ils s’étreignirent. Lui, se soumettait ; elle, maintenant, devait s’appuyer à son épaule, pour retrouver assez de courage. Ils en sortirent désespérés et résolus, enfermés dans un grand et poignant silence, au bout duquel, si Dieu le voulait, était la mort consentie de l’enfant.

À partir de ce jour, Angélique dut rester dans sa chambre. Sa faiblesse devenait telle, qu’elle ne pouvait descendre à l’atelier : tout de suite, sa tête tournait, ses jambes se dérobaient. D’abord, elle marcha, voyagea jusqu’au balcon, en s’aidant des meubles. Puis, il lui fallut se contenter d’aller de son lit à son fauteuil. La course était longue, elle ne la risquait que le matin et le soir, épuisée. Pourtant, elle travaillait toujours, abandonnant la broderie en bas-relief, trop rude, brodant des fleurs en soies nuancées ; et elle les brodait d’après nature, un bouquet de fleurs sans parfum, qui la laissaient calme, des hortensias et des roses-trémières. Le bouquet fleurissait dans un vase, souvent elle se reposait longuement à le regarder, car la soie, si légère, pesait lourd à ses doigts. En