Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/8

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contre la façade latérale de l’église, serait une vraie impasse, bouchée du côté de l’abside par la maison des Hubert, si la rue Soleil, un étroit couloir, ne la dégageait, de l’autre côté, en filant le long du collatéral, jusqu’à la grande façade, place du Cloître ; et il passa deux dévotes, qui eurent un coup d’œil étonné sur cette petite mendiante, qu’elles ne connaissaient pas, à Beaumont. La tombée lente et obstinée de la neige continuait, le froid semblait augmenter avec le jour blafard, on n’entendait qu’un lointain bruit de voix, dans la sourde épaisseur du grand linceul blanc qui couvrait la ville.

Mais, sauvage, honteuse de son abandon comme d’une faute, l’enfant se recula encore, lorsque, tout d’un coup, elle reconnut devant elle Hubertine, qui, n’ayant pas de bonne, était sortie chercher son pain.

— Petite, que fais-tu là ? qui es-tu ?

Et elle ne répondit point, elle se cachait le visage. Cependant elle ne sentait plus ses membres, son être s’évanouissait, comme si son cœur, devenu de glace, se fût arrêté. Quand la bonne dame eut tourné le dos, avec un geste de pitié discrète, elle s’affaissa sur les genoux, à bout de forces, glissa ainsi qu’une chiffe dans la neige, dont les flocons, silencieusement, l’ensevelirent. Et la dame, qui revenait avec son pain tout chaud, l’apercevant ainsi par terre, de nouveau s’approcha.