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LE VENTRE DE PARIS.

sommet, venaient des avenues ouvertes autour de l’immense place. Florent se mit sur son séant, aspira fortement ces premières odeurs d’herbe qui montaient des fortifications. Il se tourna, ne regarda plus Paris, voulut voir la campagne, au loin. À la hauteur de la rue de Longchamp, madame François lui montra l’endroit où elle l’avait ramassé. Cela le rendit tout songeur. Et il la contemplait, si saine et si calme, les bras un peu tendus, tenant les guides. Elle était plus belle que Lisa, avec son mouchoir au front, son teint rude, son air de bonté brusque. Quand elle jetait un léger claquement de langue, Balthazar, dressant les oreilles, allongeait le pas sur le pavé.

En arrivant à Nanterre, la voiture prit à gauche, entra dans une ruelle étroite, longea des murailles et vint s’arrêter tout au fond d’une impasse. C’était au bout du monde, comme disait la maraîchère. Il fallut décharger les feuilles de choux. Claude et Florent ne voulurent pas que le garçon jardinier, occupé à planter des salades, se dérangeât. Ils s’armèrent chacun d’une fourche pour jeter le tas dans le trou au fumier. Cela les amusa. Claude avait une amitié pour le fumier. Les épluchures des légumes, les boues des Halles, les ordures tombées de cette table gigantesque, restaient vivantes, revenaient où les légumes avaient poussé, pour tenir chaud à d’autres générations de choux, de navets, de carottes. Elles repoussaient en fruits superbes, elles retournaient s’étaler sur le carreau. Paris pourrissait tout, rendait tout à la terre qui, sans jamais se lasser, réparait la mort.

— Tenez, dit Claude en donnant son dernier coup de fourche, voilà un trognon de choux que je reconnais. C’est au moins la dixième fois qu’il pousse dans ce coin, là-bas, près de l’abricotier.

Ce mot fit rire Florent. Mais il devint grave, il se promena lentement dans le potager, pendant que Claude faisait une esquisse de l’écurie, et que madame François préparait le dé-