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LES ROUGON-MACQUART.

vois fabriquer de ma fenêtre, est-ce des bêtises ?… Après tout, je vous dis ça dans votre intérêt.

— Bien sûr, je vous remercie. Seulement, on invente tant de choses.

— Ah ! non, ce n’est pas inventé, malheureusement… Tout le quartier en parle, d’ailleurs. On dit que, si la police les découvre, il y aura beaucoup de personnes compromises. Ainsi, monsieur Gavard…

Mais la charcutière haussa les épaules, comme pour dire que monsieur Gavard était un vieux fou, et que ce serait bien fait.

— Je parle de monsieur Gavard comme je parlerais des autres, de votre beau-frère, par exemple, reprit sournoisement la vieille. Il est le chef, votre beau-frère, à ce qu’il paraît… C’est très-fâcheux pour vous. Je vous plains beaucoup ; car enfin, si la police descendait ici, elle pourrait très-bien prendre aussi monsieur Quenu. Deux frères, c’est comme les deux doigts de la main.

La belle Lisa se récria. Mais elle était toute blanche. Mademoiselle Saget venait de la toucher au vif de ses inquiétudes. À partir de ce jour, elle n’apporta plus que des histoires de gens innocents jetés en prison pour avoir hébergé des scélérats. Le soir, en allant prendre son cassis chez le marchand de vin, elle se composait un petit dossier pour le lendemain matin. Rose n’était pourtant guère bavarde. La vieille comptait sur ses oreilles et sur ses yeux. Elle avait parfaitement remarqué la tendresse de monsieur Lebigre pour Florent, son soin à le retenir chez lui, ses complaisances si peu payées par la dépense que ce garçon faisait dans la maison. Cela la surprenait d’autant plus, qu’elle n’ignorait pas la situation des deux hommes, en face de la belle Normande.

— On dirait, pensait-elle, qu’il l’élève à la becquée… À qui peut-il vouloir le vendre ?