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LE VENTRE DE PARIS.

s’accouder à la rampe, sans les avoir devant lui, emplissant l’horizon. Il quittait les pavillons, le soir, pour retrouver à son coucher les toitures sans fin. Elles lui barraient Paris, lui imposaient leur énormité, entraient dans sa vie de chaque heure. Cette nuit-là, son cauchemar s’effara encore, grossi par les inquiétudes sourdes qui l’agitaient. La pluie de l’après-midi avait empli les Halles d’une humidité infecte. Elles lui soufflaient à la face toutes leurs mauvaises haleines, roulées au milieu de la ville comme un ivrogne sous la table, à la dernière bouteille. Il lui semblait que, de chaque pavillon, montait une vapeur épaisse. Au loin, c’était la boucherie et la triperie qui fumaient, d’une fumée fade de sang. Puis, les marchés aux légumes et aux fruits exhalaient des odeurs de choux aigres, de pommes pourries, de verdure jetées au fumier. Les beurres empestaient, la poissonnerie avait une fraîcheur poivrée. Et il voyait surtout, à ses pieds, le pavillon aux volailles dégager, par la tourelle de son ventilateur, un air chaud, une puanteur qui roulait comme une suie d’usine. Le nuage de toutes ces haleines s’amassait au-dessus des toitures, gagnait les maisons voisines, s’élargissait en nuée lourde sur Paris entier. C’étaient les Halles crevant dans leur ceinture de fonte trop étroite, et chauffant du trop-plein de leur indigestion du soir le sommeil de la ville gorgée.

En bas, sur le trottoir, il entendit un bruit de voix, un rire de gens heureux. La porte de l’allée fut refermée bruyamment. Quenu et Lisa rentraient du théâtre. Alors, Florent, étourdi, comme ivre de l’air qu’il respirait, quitta la terrasse, avec l’angoisse nerveuse de cet orage qu’il sentait sur sa tête. Son malheur était là, dans ces Halles chaudes de la journée. Il poussa violemment la fenêtre, les laissa vautrées au fond de l’ombre, toutes nues, en sueur encore, dépoitraillées, montrant leur ventre ballonné et se soulageant sous les étoiles.