Page:Emile Zola - Le Ventre de Paris.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
332
LES ROUGON-MACQUART.

— Qu’a-t-il donc ? pensa Florent. Est-ce que je lui fais peur ?

Dans cette matinée, il s’était passé de très-graves événements chez les Quenu-Gradelle. Au point du jour, Auguste accourut tout effaré réveiller la patronne, en lui disant que la police venait prendre monsieur Florent. Puis, balbutiant davantage, il lui conta confusément que celui-ci était sorti, qu’il avait dû se sauver. La belle Lisa, en camisole, sans corset, se moquant du monde, monta vivement à la chambre de son beau-frère, où elle prit la photographie de la Normande, après avoir regardé si rien ne les compromettait. Elle redescendait, lorsqu’elle rencontra les agents de police au second étage. Le commissaire la pria de les accompagner. Il l’entretint un instant à voix basse, s’installant avec ses hommes dans la chambre, lui recommandant d’ouvrir la boutique comme d’habitude, de façon à ne donner l’éveil à personne. Une souricière était tendue.

Le seul souci de la belle Lisa, en cette aventure, était le coup que le pauvre Quenu allait recevoir. Elle craignait, en outre, qu’il fît tout manquer par ses larmes, s’il apprenait que la police se trouvait là. Aussi exigea-t-elle d’Auguste le serment le plus absolu de silence. Elle revint mettre son corset, conta à Quenu endormi une histoire. Une demi-heure plus tard, elle était sur le seuil de la charcuterie, peignée, sanglée, vernie, la face rose. Auguste faisait tranquillement l’étalage. Quenu parut un instant sur le trottoir, bâillant légèrement, achevant de s’éveiller dans l’air frais du matin. Rien n’indiquait le drame qui se nouait en haut.

Mais le commissaire donna lui-même l’éveil au quartier, en allant faire une visite domiciliaire chez les Méhudin, rue Pirouette. Il avait les notes les plus précises. Dans les lettres anonymes reçues à la préfecture, on affirmait que Florent couchait le plus souvent avec la belle Normande.