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LE VENTRE DE PARIS.

Peut-être s’était-il réfugié là. Le commissaire, accompagné de deux hommes, vint secouer la porte, au nom de la loi. Les Méhudin se levaient à peine. La vieille ouvrit, furieuse, puis subitement calmée et ricanant, lorsqu’elle sut de quoi il s’agissait. Elle s’était assise, rattachant ses vêtements, disant à ces messieurs :

— Nous sommes d’honnêtes gens, nous n’avons rien à craindre, vous pouvez chercher.

Comme la Normande n’ouvrait pas assez vite la porte de sa chambre, le commissaire la fit enfoncer. Elle s’habillait, la gorge libre, montrant ses épaules superbes, un jupon entre les dents. Cette entrée brutale, qu’elle ne s’expliquait pas, l’exaspéra ; elle lâcha le jupon, voulut se jeter sur les hommes, en chemise, plus rouge de colère que de honte. Le commissaire, en face de cette grande femme nue, s’avançait, protégeant ses hommes, répétant de sa voix froide :

— Au nom de la loi ! au nom de la loi !

Alors, elle tomba dans un fauteuil, sanglottante, secouée par une crise, à se sentir trop faible, à ne pas comprendre ce qu’on voulait d’elle. Ses cheveux s’étaient dénoués, sa chemise ne lui venait pas aux genoux, les agents avaient des regards de côté pour la voir. Le commissaire de police lui jeta un châle qu’il trouva pendu au mur. Elle ne s’en enveloppa même pas ; elle pleurait plus fort, en regardant les hommes fouiller brutalement dans son lit, tâter de la main les oreillers, visiter les draps.

— Mais qu’est-ce que j’ai fait ? finit-elle par bégayer. Qu’est-ce que vous cherchez donc dans mon lit ?

Le commissaire prononça le nom de Florent, et comme la vieille Méhudin était restée sur le seuil de la chambre :

— Ah ! la coquine, c’est elle ! s’écria la jeune femme, en voulant s’élancer sur sa mère.

Elle l’aurait battue. On la retint, on l’enveloppa de force