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LE VENTRE DE PARIS.

— Et le cousin, qu’est-ce qu’il a dit ? demanda méchamment mademoiselle Saget.

— Le cousin ! répondit la Normande d’une voie aiguë, vous croyez au cousin, vous !… Quelque amoureux, ce grand dadais !

Les trois autres commères se récrièrent. L’honnêteté de Lisa était un des actes de foi du quartier.

— Laissez donc ! est-ce qu’on sait jamais, avec ces grosses sainte n’y touche, qui ne sont que graisse ? Je voudrais bien la voir sans chemise, sa vertu !… Elle a un mari trop serin pour ne pas le faire cocu.

Mademoiselle Saget hochait la tête, comme pour dire qu’elle n’était pas éloignée de se ranger à cette opinion. Elle reprit doucement :

— D’autant plus que le cousin est tombé on ne sait d’où, et que l’histoire racontée par les Quenu est bien louche.

— Et ! c’est l’amant de la grosse ! affirma de nouveau la poissonnière. Quelque vaurien, quelque rouleur qu’elle aura ramassé dans la rue. Ça se voit bien.

— Les hommes maigres sont de rudes hommes, déclara la Sarriette d’un air convaincu.

— Elle l’a habillé tout à neuf, fit remarquer madame Lecœur. Il doit lui coûter bon.

— Oui, oui, vous pourriez avoir raison, murmura la vieille demoiselle. Il faudra savoir…

Alors, elles s’engagèrent à se tenir au courant de ce qui se passerait dans la baraque des Quenu-Gradelle. La marchande de beurre prétendait qu’elle voulait ouvrir les yeux de son beau-frère sur les maisons qu’il fréquentait. Cependant, la Normande s’était un peu calmée ; elle s’en alla, bonne fille au fond, lassée d’en avoir trop conté. Quand elle ne fut plus là, madame Lecœur dit sournoisement :

— Je suis sûre que la Normande aura été insolente ; c’est son habitude… Elle ferait bien de ne pas parler des cousins