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LES ROUGON-MACQUART.

— Pardi ! cria Gilquin, il y a plus de trois cent mille étrangers dans Paris. Depuis huit jours, les trains de plaisir amènent ici toute la province… Tenez, voilà des Normands là-bas, et voilà des Gascons, et voilà des Francs-Comtois. Oh ! je les flaire tout de suite, moi ! J’ai joliment roulé ma bosse.

Puis, il dit que les tribunaux chômaient, que la Bourse était fermée, que toutes les administrations avaient donné congé à leurs employés. La capitale entière fêtait le baptême. Et il en vint à citer des chiffres, à calculer ce que coûteraient la cérémonie et les fêtes. Le Corps législatif avait voté quatre cent mille francs ; mais c’était une misère, car un palefrenier des Tuileries lui avait affirmé, la veille, que le cortége seul coûterait près de deux cent mille francs. Si l’empereur n’ajoutait qu’un million pris sur la liste civile, il devrait s’estimer heureux. La layette à elle seule était de cent mille francs.

— Cent mille francs ! répéta madame Charbonnel abasourdie. Mais en quoi donc est-elle ? qu’est-ce qu’on a donc mis après ?

Gilquin eut un rire complaisant. Il y avait des dentelles si chères ! Lui, autrefois, avait voyagé pour les dentelles. Et il continua ses calculs : cinquante mille francs étaient alloués en secours aux parents des enfants légitimes, nés le même jour que le petit prince, et dont l’empereur et l’impératrice avaient voulu être parrain et marraine ; quatre-vingt-cinq mille francs devaient être dépensés en achat de médailles pour les auteurs des cantates chantées dans les théâtres. Enfin, il donna des détails sur les cent vingt mille médailles commémoratives distribuées aux collégiens, aux enfants des écoles primaires et des salles d’asile, aux sous-officiers et aux soldats de l’armée de Paris. Il en avait une, il la montra. C’était une