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LES ROUGON-MACQUART.

agacé par la longueur de la cérémonie. Est-ce qu’ils n’auraient pas bientôt fini ? Ils avaient chanté le Veni Creator ; ils s’étaient encensés, promenés, salués. Le petit devait être baptisé, maintenant. M. Bouchard et le colonel, plus patients, regardaient les fenêtres pavoisées de la place ; puis, ils renversèrent la tête, à un brusque carillon qui secoua les tours ; et ils eurent un léger frisson, inquiets du voisinage énorme de l’église, dont ils n’apercevaient pas le bout, dans le ciel. Cependant, Auguste s’était glissé vers le porche. Madame Correur le suivit. Mais comme elle arrivait en face de la grand’porte, ouverte à deux battants, un spectacle extraordinaire la planta net sur les pavés.

Entre les deux larges rideaux, l’église se creusait, immense, dans une vision surhumaine de tabernacle. Les voûtes, d’un bleu tendre, étaient semées d’étoiles. Les verrières étalaient, autour de ce firmament, des astres mystiques, attisant les petites flammes vives d’une braise de pierreries. Partout, des hautes colonnes, tombait une draperie de velours rouge, qui mangeait le peu de jour traînant sous la nef ; et, dans cette nuit rouge, brûlait seul, au milieu, un ardent foyer de cierges, des milliers de cierges en tas, plantés si près les uns des autres, qu’il y avait là comme un soleil unique, flambant dans une pluie d’étincelles. C’était, au centre de la croisée, sur une estrade, l’autel qui s’embrasait. À gauche, à droite, s’élevaient des trônes. Un large dais de velours doublé d’hermine mettait, au-dessus du trône le plus élevé, un oiseau géant, au ventre de neige, aux ailes de pourpre. Et toute une foule riche, moirée d’or, allumée d’un pétillement de bijoux, emplissait l’église : près de l’autel, au fond, le clergé, les évêques crossés et mitrés, faisaient une gloire, un de ces resplendissements qui ouvrent une trouée sur le ciel ; autour de l’estrade,