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LES ROUGON-MACQUART.

ciens comme on n’en rencontre pas sur les trottoirs.

— Ne restez pas là, lui dit Du Poizat, en la ramenant près du colonel et de M. Bouchard.

Ces messieurs, maintenant, causaient des inondations. Les ravages étaient épouvantables, dans les vallées du Rhône et de la Loire. Des milliers de familles se trouvaient sans abri. Les souscriptions, ouvertes de tous les côtés, ne suffisaient pas au soulagement de tant de misères. Mais l’empereur se montrait d’un courage et d’une générosité admirables : à Lyon, on l’avait vu traverser à gué les quartiers bas de la ville, recouverts par les eaux ; à Tours, il s’était promené en canot, pendant trois heures, au milieu des rues inondées. Et partout, il semait les aumônes sans compter.

— Écoutez donc ! interrompit le colonel.

Les orgues ronflaient dans l’église. Un chant large sortait par l’ouverture béante du porche, dont les draperies battaient, sous cette haleine énorme.

— C’est le Te Deum, dit M. Bouchard.

Du Poizat eut un soupir de soulagement. Ils allaient donc avoir fini ! Mais M. Bouchard lui expliqua que les actes n’étaient pas encore signés. Ensuite, le cardinal-légat devait donner la bénédiction pontificale. Du monde, pourtant, commença bientôt à sortir. Rougon, un des premiers, parut, ayant au bras une femme maigre, à figure jaune, mise très-simplement. Un magistrat, en costume de président de la cour d’appel, les accompagnait.

— Qui est-ce ? demanda madame Correur.

Du Poizat lui nomma les deux personnes. M. Beulin-d’Orchère avait connu Rougon un peu avant le coup d’État, et il lui témoignait depuis cette époque une estime particulière, sans chercher pourtant à établir entre eux des rapports suivis. Mademoiselle Véronique, sa sœur,