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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

lorsqu’il recevait ses intimes, le soir, il n’y avait seulement pas une femme chez lui, pour verser le thé.

— Alors, ça vous est venu tout d’un coup, vous n’y songiez pas, dit Clorinde en souriant. Il fallait vous marier en même temps que nous. Nous serions allés ensemble en Italie.

Et elle le questionna, tout en plaisantant. C’était son ami Du Poizat qui avait eu sans doute cette belle idée ? Il jura que non, il raconta que Du Poizat, au contraire, était absolument opposé à ce mariage ; l’ancien sous-préfet détestait M. Beulin-d’Orchère. Mais tous les autres, M. Kahn, M. Béjuin, madame Correur, les Charbonnel eux-mêmes, ne tarissaient pas sur les mérites de mademoiselle Véronique : elle allait, à les entendre, apporter dans sa maison des vertus, des prospérités, des charmes inimaginables. Il termina, en tournant la chose au comique.

— Enfin, c’est une personne qu’on a faite exprès pour moi. Je ne pouvais pas la refuser.

Puis il ajouta avec finesse :

— Si nous avons la guerre à l’automne, il faut bien songer à des alliances.

Clorinde l’approuva vivement. Elle fit, elle aussi, un grand éloge de mademoiselle Beulin-d’Orchère, qu’elle n’avait pourtant aperçue qu’une fois. Delestang, qui jusque-là, s’était contenté de hocher la tête, sans quitter sa femme des yeux, se lança dans des considérations enthousiastes sur le mariage. Il entamait le récit de son bonheur, lorsqu’elle se leva, en parlant d’une autre visite qu’ils devaient faire. Et, comme Rougon les accompagnait, elle le retint, laissant son mari marcher en avant.

— Je vous disais bien que vous seriez marié dans l’année, lui souffla-t-elle doucement à l’oreille.