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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

naires du vote, en ce qu’elles retardent l’élan spontané du Corps législatif. »

— Très-bien ! lancèrent plusieurs membres.

— « Dans les familles les plus humbles, continua le rapporteur en modulant chaque mot, la naissance d’un fils, d’un héritier, avec toutes les idées de transmission qui se rattachent à ce titre, est un sujet de si douce allégresse, que les épreuves du passé s’oublient et que l’espoir seul plane sur le berceau du nouveau-né. Mais que dire de cette fête du foyer, quand elle est en même temps celle d’une grande nation, et qu’elle est aussi un événement européen ! »

Alors, ce fut un ravissement. Ce morceau de rhétorique fit pâmer la Chambre. Rougon, qui semblait dormir, ne voyait, devant lui, sur les gradins, que des visages épanouis. Certains députés exagéraient leur attention, les mains aux oreilles, pour ne rien perdre de cette prose soignée. Le rapporteur, après une courte pause, haussait la voix.

— « Ici, messieurs, c’est, en effet, la grande famille française qui convie tous ses membres à exprimer leur joie ; et quelle pompe ne faudrait-il pas, s’il était possible que les manifestations extérieures pussent répondre à la grandeur de ses légitimes espérances ! »

Et il ménagea une nouvelle pause.

— Très-bien ! très-bien ! crièrent les mêmes voix.

— C’est délicatement dit, fit remarquer M. Kahn, n’est-ce pas, Béjuin ?

M. Béjuin dodelinait de la tête, les yeux sur le lustre qui pendait de la baie vitrée, devant le bureau. Il jouissait.

Dans les tribunes, la belle Clorinde, la jumelle braquée, ne perdait pas un jeu de physionomie du rapporteur ; les Charbonnel avaient les yeux humides ; madame Cor-