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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

sommes venus exprès de Plassans. Nous nous impatientions, que voulez-vous, à notre âge ! Maintenant, nous nous en retournerons bien joyeux… On nous disait que vous ne pouviez plus rien.

Rougon eut un sourire. Il prononça ces derniers mots d’un air de décision qui semblait répondre en lui à des pensées secrètes :

— On peut ce qu’on veut… Comptez sur moi.

Cependant, quand ils ne furent plus là, l’ombre d’un regret lui passa encore sur le visage. Il s’arrêtait au milieu de l’antichambre, lorsqu’il aperçut, respectueusement debout, dans un coin, un individu proprement mis, balançant entre ses doigts un petit chapeau de feutre rond.

— Qu’est-ce que vous voulez ? lui demanda-t-il d’un ton brusque.

L’individu, très-grand, très-fort, murmura, en baissant les yeux :

— Monsieur ne me reconnaît pas ?

Et comme Rougon disait non, brutalement :

— Je suis Merle, l’ancien huissier de monsieur au Conseil d’État.

Rougon se radoucit un peu.

— Ah ! très-bien. Vous portez toute votre barbe, maintenant… Eh bien, qu’est-ce que vous voulez, mon garçon ?

Alors, Merle s’expliqua, avec des manières polies d’homme comme il faut. Il avait rencontré madame Correur, l’après-midi ; c’était elle qui lui avait conseillé d’aller voir monsieur le soir même ; sans cela, il ne se serait jamais permis de déranger monsieur à pareille heure.

— Madame Correur est bien bonne, répéta-t-il à plusieurs reprises.

Puis, il dit enfin qu’il se trouvait sans place. S’il portait toute sa barbe, c’était qu’il avait quitté le Conseil