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II


Le matin, au Moniteur, avait paru la démission de Rougon, qui se retirait pour « des raisons de santé ». Il était venu après son déjeuner au Conseil d’État, voulant dès le soir laisser la place nette à son successeur. Et, dans le grand cabinet rouge et or réservé au président, assis devant l’immense bureau de palissandre, il vidait les tiroirs, il classait des papiers, qu’il nouait en paquets, avec des bouts de ficelle rose.

Il sonna. Un huissier entra, un homme superbe, qui avait servi dans la cavalerie.

— Donnez-moi une bougie allumée, demanda Rougon.

Et, comme l’huissier se retirait, après avoir posé sur le bureau un des petits flambeaux de la cheminée, il le rappela.

— Merle, écoutez !… Ne laissez entrer personne. Entendez-vous, personne.

— Oui, monsieur le président, répondit l’huissier qui referma la porte sans bruit.

Rougon eut un faible sourire. Il se tourna vers Delestang, debout à l’autre extrémité de la pièce, devant un cartonnier, dont il visitait soigneusement les cartons.

— Ce brave Merle n’a pas lu le Moniteur, ce matin, murmura-t-il.

Delestang hocha la tête, ne trouvant rien à dire. Il