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LES ROUGON-MACQUART.

Elle resta sur la dernière marche, bouchant l’escalier avec ses jupes. Elle voulut voir le mandat d’amener, demanda des explications, traîna les choses.

— Attention ! le particulier va nous filer entre les doigts, murmura le brigadier à l’oreille du commissaire.

Sans doute elle entendit. Elle les regarda, de son air calme, en disant :

— Montez, messieurs.

Et elle monta la première. Elle les introduisit dans un cabinet, au milieu duquel M. Martineau se tenait debout, en robe de chambre. Les cris de la bonne venaient de lui faire quitter son fauteuil où il passait ses journées. Très-grand, les mains comme mortes, le visage d’une pâleur de cire, il n’avait plus que les yeux de vivants, des yeux noirs, doux et énergiques. Madame Martineau le montra d’un geste silencieux.

— Mon Dieu ! monsieur, commença Gilquin, j’ai une triste mission à remplir…

Quand il eut terminé, le notaire hocha la tête, sans parler. Un léger frisson agitait la robe de chambre drapée sur ses membres maigres. Il dit enfin, avec une grande politesse :

— C’est bien, messieurs, je vais vous suivre.

Alors, il se mit à marcher dans la pièce, rangeant les objets qui traînaient sur les meubles. Il changea de place un paquet de livres. Il demanda à sa femme une chemise propre. Le frisson dont il était secoué, devenait plus violent. Madame Martineau, le voyant chanceler, le suivait, les bras tendus pour le recevoir, comme on suit un enfant.

— Dépêchons, dépêchons, monsieur, répétait Gilquin.

Le notaire fit encore deux tours ; et, brusquement, ses mains battirent l’air, il se laissa tomber dans un fau-