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XI


Rougon avait enfin obtenu pour Delestang le portefeuille de l’agriculture et du commerce. Un matin, dans les premiers jours de mai, il alla rue du Colisée prendre son nouveau collègue. Il devait y avoir conseil des ministres à Saint-Cloud, où la cour venait de s’installer.

— Tiens ! vous nous accompagnez ! dit-il avec surprise, en apercevant Clorinde qui montait dans le landau tout attelé devant le perron.

— Mais oui, je vais au conseil, moi aussi, répondit-elle en riant.

Puis, elle ajouta d’une voix sérieuse, lorsqu’elle eut casé entre les banquettes les volants de sa longue jupe de soie cerise pâle :

— J’ai un rendez-vous avec l’impératrice. Je suis trésorière d’une œuvre pour les jeunes ouvrières, à laquelle elle s’intéresse.

Les deux hommes montèrent à leur tour. Delestang s’assit à côté de sa femme ; il avait une serviette d’avocat, en maroquin chamois, qu’il garda sur les genoux. Rougon, les mains libres, se trouva en face de Clorinde. Il était près de neuf heures et demie, et le conseil était pour dix heures. Le cocher reçut l’ordre de marcher bon train. Pour couper au plus court, il prit la rue Marbeuf, s’engagea dans le quartier de Chaillot, que la