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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

— Sire, dit-il enfin, j’ai apporté le projet d’un mémoire sur la fondation d’une nouvelle noblesse… Ce sont encore de simples notes ; mais j’ai pensé qu’il serait bon, avant d’aller plus loin, de les lire en conseil, afin de pouvoir profiter de toutes les lumières…

— Oui, lisez, monsieur le garde des sceaux, interrompit l’empereur. Vous avez raison.

Et il se tourna à demi, pour regarder le ministre de la justice, pendant qu’il lisait. Il s’animait, une flamme jaune brûlait dans ses yeux gris.

Cette question d’une nouvelle noblesse préoccupait alors beaucoup la cour. Le gouvernement avait commencé par soumettre au Corps législatif un projet de loi punissant d’une amende et d’un emprisonnement toute personne convaincue de s’être attribué sans droit un titre nobiliaire quelconque. Il s’agissait de donner une sanction aux anciens titres et de préparer ainsi la création de titres nouveaux. Ce projet de loi avait soulevé à la Chambre une discussion passionnée ; des députés, très-dévoués à l’empire, s’étaient écriés qu’une noblesse ne pouvait exister dans un État démocratique ; et, lors du vote, vingt-trois voix venaient de se prononcer contre le projet. Cependant, l’empereur caressait son rêve. C’était lui qui avait indiqué au garde des sceaux tout un vaste plan.

Le mémoire débutait par une partie historique. Ensuite, le futur système se trouvait exposé tout au long ; les titres devaient être distribués par catégories de fonctions, afin de rendre les rangs de la nouvelle noblesse accessibles à tous les citoyens ; combinaison démocratique qui paraissait enthousiasmer fort le garde des sceaux. Enfin suivait un projet de décret. À l’article II, le ministre haussa et ralentit la voix :

— « Le titre de comte sera concédé après cinq ans