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LES ROUGON-MACQUART.

Jusque-là, l’empereur avait évidemment répété les commérages du château, les accusations portées par les personnes de son entourage. Mais il devait savoir d’autres histoires, des faits ignorés de la cour, dont ses agents particuliers l’avaient informé, et auxquels il accordait un intérêt bien plus vif ; il adorait l’espionnage, tout le travail souterrain de la police. Pendant un instant, il regarda Rougon, la face vaguement souriante ; puis, d’une voix confidentielle, en homme qui s’amuse :

— Oh ! je suis renseigné, plus que je ne le voudrais… Tenez, un autre petit fait. Vous avez accepté dans vos bureaux un jeune homme, le fils d’un colonel, bien qu’il n’ait pu présenter le diplôme de bachelier. Cela n’a pas d’importance, je le sais. Mais si vous vous doutiez du tapage que ces choses soulèvent !… On fâche tout le monde avec ces bêtises. C’est de la bien mauvaise politique.

Rougon ne répondit rien. Sa Majesté n’avait pas fini. Elle ouvrait les lèvres, cherchait une phrase ; mais ce qu’elle avait à dire paraissait la gêner, car elle hésita un instant à descendre jusque-là. Elle balbutia enfin :

— Je ne vous parlerai pas de cet huissier, un de vos protégés, un nommé Merle, n’est-ce pas ? Il se grise, il est insolent, le public et les employés s’en plaignent… Tout cela est très-fâcheux, très-fâcheux.

Puis, haussant la voix, concluant brusquement :

— Vous avez trop d’amis, monsieur Rougon. Tous ces gens vous font du tort. Ce serait vous rendre un service que de vous fâcher avec eux… Voyons, accordez-moi la destitution de M. Du Poizat et promettez-moi d’abandonner les autres.

Rougon était resté impassible. Il s’inclina, il dit d’un accent profond :

— Sire, je demande au contraire à Votre Majesté le