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LES ROUGON-MACQUART.

De nouveau, il se montra très-affectueux. Même, revenant sur la discussion qui avait eu lieu dans le conseil, il parut donner raison à Rougon, maintenant qu’il pouvait parler sans trop s’engager. Le pays n’était certainement pas mûr pour la liberté. Longtemps encore, une main énergique devait imprimer aux affaires une marche résolue, exempte de faiblesse. Et il termina en renouvelant au ministre l’assurance de son entière confiance ; il lui donnait une pleine liberté d’agir, il confirmait toutes ses instructions précédentes. Cependant, Rougon crut devoir insister.

— Sire, dit-il, je ne saurais être à la merci d’un propos malveillant, j’ai besoin de stabilité pour achever la lourde tâche dont je me trouve aujourd’hui responsable.

— Monsieur Rougon, répondit l’empereur, marchez sans crainte, je suis avec vous.

Et, rompant l’entretien, il se dirigea vers la porte du cabinet, suivi du ministre. Ils sortirent, ils traversèrent plusieurs pièces, pour gagner la salle à manger. Mais au moment d’entrer, le souverain se retourna, emmena Rougon dans le coin d’une galerie.

— Alors, demanda-t-il à demi-voix, vous n’approuvez pas le système d’anoblissement proposé par monsieur le garde des sceaux ? J’aurais vivement désiré vous voir favorable à ce projet. Étudiez la question.

Puis, sans attendre la réponse, il ajouta de son air tranquillement entêté :

— Rien ne presse. J’attendrai. Dans dix ans, s’il le faut.

Après le déjeuner, qui dura à peine une demi-heure, les ministres passèrent dans un petit salon voisin, où le café fut servi. Ils restèrent encore là quelques instants, à s’entretenir, debout autour de l’empereur. Clorinde, que l’impératrice avait également retenue, vint chercher