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LES ROUGON-MACQUART.

la dot… Entendez-vous, toujours pour les autres, jamais pour moi ! Je me suis avisée, ces temps derniers, quand je suis revenue de Coulonges avec mon héritage, de lui signaler les manœuvres de madame Martineau. Je voulais, dans le partage, la maison où je suis née, et cette femme s’est arrangée pour la garder… Savez-vous quelle a été sa seule réponse ? Il m’a répété à trois fois qu’il ne voulait plus s’occuper de cette vilaine histoire.

Cependant, M. Béjuin, lui aussi, s’agitait. Il bégaya :

— Moi, c’est comme madame… Je ne lui ai rien demandé, jamais, jamais ! Tout ce qu’il a pu faire, c’est malgré moi, c’est sans que je le sache. Il profite de ce qu’on ne dit rien pour vous accaparer, oui, le mot est juste, vous accaparer…

Sa voix s’éteignit dans un bredouillement. Et tous quatre, ils continuaient à hocher la tête. Puis, ce fut M. Kahn qui recommença d’une voix solennelle :

— La vérité, voyez-vous, la voici… Rougon est un ingrat. Vous vous souvenez du temps où nous battions tous le pavé de Paris pour le pousser au ministère. Hein ! nous sommes-nous assez dévoués à sa cause, au point d’en perdre le boire et le manger ? À cette époque-là, il a contracté une dette que sa vie entière ne réussirait pas à payer. Parbleu ! aujourd’hui, la reconnaissance lui est lourde, et il nous lâche. Ça devait arriver.

— Oui, oui, il nous doit tout ! crièrent les autres. Il nous en récompense joliment !

Pendant un instant, ils l’écrasèrent sous l’énumération de leurs bienfaits ; lorsqu’un d’eux se taisait, un autre rappelait un détail plus accablant encore. Pourtant, le colonel, tout d’un coup, s’inquiéta de son fils Auguste ; le jeune homme n’était plus dans la chambre. À ce moment, un bruit étrange vint du cabinet de toilette, une sorte de barbotement doux et continu. Le colonel se