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LES ROUGON-MACQUART.

par Rougon d’obtenir cette faveur. Et, au milieu de cette rage de paroles, la comtesse Balbi, sur la chaise longue, souriait, regardait ses mains encore potelées, répétait doucement :

— Flaminio !

Le grand diable de domestique avait sorti de la poche de son gilet une toute petite boîte d’écaille pleine de pastilles à la menthe. La comtesse les croquait avec des mines de vieille chatte gourmande.

Vers minuit seulement, Delestang rentra. Quand on le vit soulever la portière du boudoir, un profond silence se fit, tous les cous s’allongèrent. Mais la portière était retombée, personne ne le suivait. Alors, après une nouvelle attente de quelques secondes, des exclamations partirent :

— Vous êtes seul ?

— Vous ne l’amenez donc pas ?

— Vous avez donc perdu le gros homme en route ?

Et il y eut un soulagement. Delestang expliqua que Rougon, très-fatigué, venait de le quitter au coin de la rue Marbeuf.

— Il a bien fait, dit Clorinde en se couchant tout à fait sur le lit. Il est si peu amusant !

Ce fut le signal d’un nouveau déchaînement de plaintes et d’accusations. Delestang protestait, lançait des : Permettez ! permettez ! Il affectait d’ordinaire de défendre Rougon. Quand on le laissa parler, il dit d’une voix mesurée :

— Sans doute il aurait pu mieux agir envers certains de ses amis. Mais il n’en reste pas moins une grande intelligence… Quant à moi, je lui serai éternellement reconnaissant…

— Reconnaissant de quoi ? cria M. Kahn courroucé.

— Mais de tout ce qu’il a fait…