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XIV


Trois ans plus tard, un jour de mars, il y avait une séance très-orageuse au Corps législatif. On y discutait l’adresse pour la première fois.

À la buvette, M. La Rouquette et un vieux député, M. de Lamberthon, le mari d’une femme adorable, buvaient des grogs, en face l’un de l’autre, tranquillement.

— Hein ! si nous retournions dans la salle ? demandait M. de Lamberthon, qui prêtait l’oreille. Je crois que ça chauffe.

On entendait par moments une clameur lointaine, une tempête de voix, brusque comme un coup de vent ; puis, tout retombait à un grand silence. Mais M. La Rouquette continuait à fumer d’un air de parfaite insouciance, en répondant :

— Non, laissez donc, je veux finir mon cigare… On nous préviendra, si l’on a besoin de nous. J’ai dit qu’on nous prévienne.

Ils étaient seuls dans la buvette, une petite salle de café, très-coquette, établie au fond de l’étroit jardin qui fait le coin du quai et de la rue de Bourgogne. Peinte en vert tendre, recouverte d’un treillage de bambous, s’ouvrant par de larges baies vitrées sur les massifs du jardin, elle ressemblait à une serre changée en buffet de gala,