Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/444

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
444
LES ROUGON-MACQUART.

renversé sur la banquette capitonnée, se mirant d’un regard oblique dans les glaces, jouissant du vert tendre des murs, de cette buvette fraîche, qui avait des airs de bosquet Pompadour, installé à quelque carrefour de forêt princière, pour des rendez-vous amoureux.

Un huissier arriva, essoufflé.

— Monsieur La Rouquette, on vous demande tout de suite, tout de suite.

Et, comme le jeune député avait un geste d’ennui, l’huissier se pencha à son oreille, lui dit à demi-voix qu’il était envoyé par M. de Marsy lui-même, le président de la Chambre. Il ajouta plus haut :

— Enfin, on a besoin de tout le monde, venez vite.

M. de Lamberthon s’était précipité vers la salle des séances. M. La Rouquette le suivait, lorsqu’il parut se raviser. L’idée lui poussait de racoler tous les députés flâneurs, pour les envoyer à leurs bancs. Il se jeta d’abord dans la salle des Conférences, une belle salle éclairée par un plafond vitré, où se trouvait une cheminée géante en marbre vert, ornée de deux femmes de marbre blanc, nues et couchées. Malgré la douceur de l’après-midi, des troncs d’arbre y brûlaient. Autour de l’immense table, trois députés sommeillaient, les yeux ouverts, en regardant les tableaux des murs et la pendule fameuse qu’on remontait une seule fois par an ; un quatrième, occupé à se chauffer les reins, debout devant la cheminée, semblait examiner d’un air attendri, à l’autre extrémité de la pièce, une petite statue d’Henri IV en plâtre, qui se détachait sur un trophée de drapeaux pris à Marengo, à Austerlitz et à Iéna. À l’appel de leur collègue allant de l’un à l’autre, criant : « Vite, vite, en séance ! » ces messieurs, comme réveillés en sursaut, disparurent à la file.

Cependant, emporté par son élan, M. La Rouquette