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LES ROUGON-MACQUART.

— On vous demande, dit M. La Rouquette. Vite à votre poste, n’est-ce pas ?

— Oui, tout de suite, répondit le député.

Mais il ne put s’échapper. Le gros monsieur, impressionné par le luxe de la salle, le ruissellement des dorures, les panneaux de glace, s’était découvert ; et il ne lâchait pas son « cher député », il lui demandait des explications sur les peintures de Delacroix, les Mers et les Fleuves de France, de hautes figures décoratives, Mediterraneum Mare, Oceanus, Ligeris, Rhenus, Sequana, Rhodanus, Garumna, Araris. Ces mots latins l’embarrassaient.

— Ligeris, la Loire, dit M. de la Villardière.

Le notaire de Dijon hocha vivement la tête ; il avait compris. Cependant, sa dame considérait le trône, un fauteuil un peu plus haut que les autres, garni d’une housse et placé sur une large marche. Elle restait à distance, dévotement, l’air très-ému. Elle finit par se rapprocher, par s’enhardir ; et, d’une main furtive, elle souleva la housse, toucha le bois doré, tâta le velours rouge.

Maintenant, M. La Rouquette battait l’aile droite du Palais, les corridors interminables, les pièces réservées aux bureaux et aux commissions. Il revint par la salle des quatre colonnes, où les jeunes députés rêvent en face des statues de Brutus, de Solon et de Lycurgue ; coupa de biais la salle des Pas perdus ; longea rapidement le pourtour, cette galerie en hémicycle, une sorte de crypte écrasée, d’une nudité blafarde d’église, éclairée au gaz nuit et jour ; et, hors d’haleine, traînant derrière lui la petite troupe de députés qu’il avait ramassée dans sa battue générale, il ouvrit toute large une porte d’acajou étoilée d’or. M. de Combelot, les mains blanches, la barbe correcte, le suivait. M. de la Villardière, qui s’était débarrassé de ses deux électeurs, marchait sur ses talons.