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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

— En somme, vous qui connaissez Rougon, dites-moi au juste ce que c’est que madame Correur. Elle a tenu un hôtel, n’est-ce pas ? Autrefois, elle logeait Rougon. On raconte même qu’elle lui prêtait de l’argent… Et maintenant, quel métier fait-elle ?

M. Kahn était devenu très-grave. Il frottait son collier de barbe, d’une main lente.

— Madame Correur est une dame fort respectable, dit-il nettement.

Ce mot coupa court à la curiosité de M. La Rouquette. Il pinça les lèvres, de l’air d’un écolier qui vient de recevoir une leçon. Tous deux regardèrent un instant en silence madame Correur, assise près des Charbonnel. Elle avait une robe de soie mauve, très-voyante, avec beaucoup de dentelles et de bijoux ; la face trop rose, le front couvert de petits frisons de poupée blonde, elle montrait son cou gras, encore très-beau, malgré ses quarante-huit ans.

Mais, au fond de la salle, il y eut tout d’un coup un bruit de porte, un tapage de jupes, qui fit tourner les têtes. Une grande fille, d’une admirable beauté, mise très-étrangement, avec une robe de satin vert d’eau mal faite, venait d’entrer dans la loge du Corps diplomatique, suivie d’une dame âgée, vêtue de noir.

— Tiens ! la belle Clorinde ! murmura M. La Rouquette, qui se leva pour saluer à tout hasard.

M. Kahn s’était levé également. Il se pencha vers M. Béjuin, occupé à mettre ses lettres sous enveloppe.

— Dites-donc, Béjuin, murmura-t-il, la comtesse Balbi et sa fille sont là… Je monte leur demander si elles n’ont pas vu Rougon.

Au bureau, le président avait pris une nouvelle poignée de papiers. Il donna, sans cesser de lire, un regard à la belle Clorinde Balbi, dont l’arrivée soulevait un