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LES ROUGON-MACQUART.

— Vous ne m’en voulez pas, vous ! Ne me faites donc plus enrager avec vos idées de païen… Je deviens bête, lorsqu’on me taquine sur la religion. Je compromettrais mes meilleures amitiés.

Luigi, cependant, avait poussé son chevalet dans un coin, voyant qu’il ne pourrait finir l’oreille, ce jour-là. Il prit son chapeau, il vint toucher la jeune fille à l’épaule, pour l’avertir qu’il partait. Et elle l’accompagna jusque sur le palier, elle tira elle-même la porte sur eux ; mais ils se firent leurs adieux si bruyamment, qu’on entendit un léger cri de Clorinde, qui se perdit dans un rire étouffé. Quand elle rentra, elle dit :

— Je vais me déshabiller, à moins que parrain ne veuille m’emmener comme ça au Palais-Royal.

Et ils s’égayèrent tous les trois, à cette idée. Le crépuscule était tombé. Quand Rougon se retira, Clorinde descendit avec lui, laissant M. de Plouguern seul un instant, le temps de passer une robe. Il faisait déjà tout noir dans l’escalier. Elle marchait la première, sans dire un mot, si lentement, qu’il sentait le frôlement de sa tunique de gaze sur ses genoux. Puis, arrivée devant la porte de la chambre, elle entra ; elle fit deux pas, avant de se retourner. Lui, l’avait suivie. Là, les deux fenêtres éclairaient d’une poussière blanche le lit défait, la cuvette oubliée, le chat toujours endormi sur le paquet de vêtements.

— Vous ne m’en voulez pas ? répéta-t-elle à voix presque basse, en lui tendant les mains.

Il jura que non. Il avait pris ses mains, il remonta le long des bras jusqu’au-dessus des coudes, fouillant doucement dans la dentelle noire, pour que ses gros doigts pussent passer sans rien déchirer. Elle haussait légèrement les bras, comme désireuse de lui faciliter cette besogne. Ils étaient dans l’ombre du paravent, ils