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LES ROUGON-MACQUART.

nouvelle averse qui battait les persiennes la rendit toute chagrine. Mon Dieu ! quelle pluie entêtée, et comme ses pauvres amis allaient être mouillés ! Elle ouvrit la fenêtre, jeta un regard dans la rue. De brusques coups de vent soufflaient des becs de gaz. Et, au milieu des flaques pâles et des hachures luisantes de la pluie, elle aperçut le dos rond de M. Rambaud qui s’en allait, heureux et dansant dans le noir, sans paraître se soucier de ce déluge.

Jeanne, cependant, était très-sérieuse, depuis qu’elle avait saisi quelques-unes des dernières paroles de son bon ami. Elle venait de retirer ses petites bottines, elle restait en chemise sur le bord de son lit, songeant profondément. Quand sa mère entra pour l’embrasser, elle la trouva ainsi.

— Bonne nuit, Jeanne. Embrasse-moi.

Puis, comme l’enfant semblait ne pas entendre, Hélène s’accroupit devant elle, en la prenant à la taille. Et elle l’interrogea à demi-voix.

— Ça te ferait donc plaisir s’il habitait avec nous ?

Jeanne ne parut pas étonnée de la question. Elle pensait à ces choses sans doute. Lentement, elle dit oui de la tête.

— Mais, tu sais, reprit la mère, il serait toujours là, la nuit, le jour, à table, partout.

Une inquiétude grandissait dans les yeux clairs de la petite fille. Elle posa sa joue sur l’épaule de sa mère, la baisa au cou, finit par lui demander à l’oreille, toute frissonnante :

— Maman, est-ce qu’il t’embrasserait ?

Une teinte rose monta au front d’Hélène. Elle ne sut que répondre d’abord à cette question d’enfant. Enfin, elle murmura :

— Il serait comme ton père, ma chérie.