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UNE PAGE D’AMOUR.

eurent un tremblement. Une rougeur, au contraire, était montée aux joues de M. Rambaud, qui baissa la voix et balbutia :

— Mais tu avais dit que nous jouerions toujours ensemble.

— Non, non, je ne savais pas, reprit l’enfant avec violence. Je ne veux pas, entends-tu !… N’en parle plus jamais, jamais, et nous serons amis.

Hélène, debout, avec son ouvrage dans un panier, avait entendu ces derniers mots.

— Allons, monte, Jeanne, dit-elle. Quand on pleure, on n’ennuie pas le monde.

Elle salua, en poussant la petite devant elle. Le docteur, très-pâle, la regardait fixement. M. Rambaud était consterné. Quant à madame Deberle et à Pauline, aidées de Malignon, elles avaient pris Lucien et le faisaient tourner au milieu d’elles, en discutant vivement, sur ses épaules de gamin, le costume de marquis Pompadour.

Le lendemain, Hélène se trouvait seule sous les ormes. Madame Deberle, qui courait pour son bal, avait emmené Lucien et Jeanne. Lorsque le docteur rentra, plus tôt que de coutume, il descendit vivement le perron ; mais il ne s’assit pas, il tourna autour de la jeune femme, en arrachant aux arbres des brins d’écorce. Elle leva un instant les yeux, inquiète de son agitation ; puis, elle piqua de nouveau son aiguille, d’une main un peu tremblante.

— Voici le temps qui se gâte, dit-elle, gênée par le silence. Il fait presque froid, cette après-midi.

— Nous ne sommes encore qu’en avril, murmura-t-il en s’efforçant de calmer sa voix.

Il parut vouloir s’éloigner. Mais il revint et lui demanda brusquement.

— Vous vous mariez donc ?