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UNE PAGE D’AMOUR.

bouche ouverte, d’un ton grave qui accompagnait les gammes flûtées des demoiselles.

— S’amusent-ils ! murmura le docteur.

Il était revenu se placer près d’Hélène. Celle-ci s’égayait comme les enfants. Et lui, derrière elle, se grisait de l’odeur qui montait de sa chevelure. À un coup de bâton plus violent que les autres, elle se tourna pour lui dire :

— Vous savez que c’est très-drôle !

Mais les enfants, excités, se mêlaient maintenant à la pièce. Ils donnaient la réplique aux acteurs. Une fillette, qui devait connaître le drame, expliquait ce qui allait se passer. « Tout à l’heure, il va assommer sa femme… À présent, on va le pendre… » La petite Levasseur, la dernière, celle qui avait deux ans, cria tout d’un coup :

— Maman, est-ce qu’on le mettra au pain sec !

Puis, c’étaient des exclamations, des réflexions faites tout haut. Cependant, Hélène cherchait parmi les enfants.

— Je ne vois pas Jeanne, dit-elle. Est-ce qu’elle s’amuse ?

Alors, le docteur se pencha, avança la tête près de la sienne, en murmurant :

— Tenez, là-bas, entre cet Arlequin et cette Normande, vous voyez les épingles de son chignon… Elle rit de bien bon cœur.

Et il resta courbé, sentant sur sa joue la tiédeur du visage d’Hélène. Jusque-là, aucun aveu ne leur était échappé ; ce silence les laissait dans cette familiarité, qu’un trouble vague gênait seul depuis quelque temps. Mais, au milieu de ces beaux rires, en face de ces gamins, elle redevenait très-enfant, elle s’abandonnait, pendant que le souffle d’Henri chauffait sa