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LES ROUGON-MACQUART.

nuque. Les coups de bâton sonores lui donnaient un tressaillement qui gonflait sa gorge ; et elle se tournait vers lui, les yeux luisants.

— Mon Dieu ! que c’est bête ! disait-elle chaque fois. Hein ! comme ils tapent !

Lui, frémissant, répondait :

— Oh ! ils ont la tête solide.

C’était tout ce que son cœur trouvait. Ils descendaient l’un et l’autre aux enfantillages. La vie peu exemplaire de Polichinelle les alanguissait. Puis, au dénouement du drame, lorsque le diable parut et qu’il y eut une suprême bataille, un égorgement général, Hélène, en se renversant, écrasa la main d’Henri, posée sur le dossier de son fauteuil ; tandis que le parterre de bébés, criant et battant des mains, faisait craquer les chaises d’enthousiasme.

Le rideau rouge était retombé. Alors, au milieu du tapage, Pauline annonça Malignon, avec sa phrase habituelle :

— Ah ! voici le beau Malignon.

Il arrivait, essoufflé, en bousculant les siéges.

— Tiens ! quelle drôle d’idée d’avoir tout fermé ! s’écria-t-il, surpris, hésitant. On croirait entrer chez des morts.

Et, se tournant vers madame Deberle, qui s’avançait :

— Vous pouvez vous vanter de m’avoir fait courir !… Depuis ce matin, je cherche Perdiguet, vous savez, mon chanteur… Alors, comme je n’ai pu mettre la main sur lui, je vous amène le grand Morizot…

Le grand Morizot était un amateur qui récréait les salons en escamotant des muscades. On lui abandonna un guéridon, il exécuta ses plus jolis tours, mais sans