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LES ROUGON-MACQUART.

Hélène, baignée par ces flammes, se livrant à cette passion qui la consumait, regardait flamber Paris, lorsqu’une petite main la fit tressaillir en se posant sur son épaule. C’était Jeanne qui l’appelait.

— Maman ! Maman !

Et, quand elle se fut tournée :

— Ah ! c’est heureux !… Tu n’entends donc pas ? Voilà dix fois que je t’appelle.

La petite, encore costumée en Japonaise, avait des yeux brillants et des joues toutes roses de plaisir. Elle ne laissa pas à sa mère le temps de répondre.

— Tu m’as joliment lâchée… Tu sais qu’on t’a cherchée partout, à la fin. Sans Pauline, qui m’a accompagnée jusqu’au bas de l’escalier, je n’aurais point osé traverser la rue.

Et, d’un mouvement joli, elle approcha son visage des lèvres de sa mère, en demandant sans transition :

— Tu m’aimes ?

Hélène la baisa, mais d’une bouche distraite. Elle éprouvait une surprise, comme une impatience à la voir rentrer si vite. Est-ce que vraiment il y avait une heure qu’elle s’était échappée du bal ? Et, pour répondre aux questions de l’enfant qui s’inquiétait, elle dit qu’en effet elle avait éprouvé un léger malaise. L’air lui faisait du bien. Il lui fallait un peu de tranquillité.

— Oh ! n’aie pas peur, je suis trop lasse, murmura Jeanne. Je vais me tenir là, tout plein sage… Mais, petite mère, je puis parler, n’est-ce pas ?

Elle se posa près d’Hélène, se serrant contre elle, heureuse qu’on ne la déshabillât pas tout de suite. Sa robe brodée de pourpre, son jupon de soie verdâtre, la ravissaient ; et elle hochait sa tête fine, pour entendre claquer sur son chignon les pendeloques des lon-