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UNE PAGE D’AMOUR.

prêtre venait de paraître dans la chaire. Il y eut un frémissement ; puis, il parla. Non, certes, Hélène n’irait point à ce dîner. Les yeux fixés sur le prêtre, elle s’imaginait cette première entrevue avec Henri, qu’elle redoutait depuis trois jours ; elle le voyait pâli de colère, lui reprochant de s’être enfermée chez elle ; et elle craignait de ne pas montrer assez de froideur. Dans sa rêverie, le prêtre avait disparu, elle surprenait seulement des phrases, une voix pénétrante, tombée de haut, qui disait :

— Ce fut un moment ineffable que celui où la Vierge, inclinant la tête, répondit : Voici la servante du Seigneur…

Oh ! elle serait brave, toute sa raison était revenue. Elle goûterait la joie d’être aimée, elle n’avouerait jamais son amour, car elle sentait bien que la paix était à ce prix. Et comme elle aimerait profondément, sans le dire, se contentant d’une parole d’Henri, d’un regard, échangé de loin en loin, lorsqu’un hasard les rapprocherait ! C’était un rêve qui l’emplissait d’une pensée d’éternité. L’église, autour d’elle, lui devenait amicale et douce. Le prêtre disait :

— L’ange disparut. Marie s’absorba dans la contemplation du divin mystère qui s’opérait en elle, inondée de lumière et d’amour…

— Il parle très-bien, murmura madame Deberle en se penchant. Et tout jeune, trente ans à peine, n’est-ce pas ?

Madame Deberle était touchée. La religion lui plaisait comme une émotion de bon goût. Donner des fleurs aux églises, avoir de petites affaires avec les prêtres, gens polis, discrets et sentant bon, venir en toilette à l’église, où elle affectait d’accorder une protection mondaine au Dieu des pauvres, lui procurait