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UNE PAGE D’AMOUR.

Et, comme elle relevait enfin la tête, les yeux mouillés de larmes, elle aperçut l’abbé Jouve à côté d’elle, la regardant d’un air chagrin. C’était lui qui dirigeait les ouvriers. Il venait de s’avancer, en reconnaissant Jeanne.

— Qu’avez-vous donc, mon enfant ? demanda-t-il à Hélène, qui se mettait vivement debout et essuyait ses larmes.

Elle ne trouva rien à répondre, craignant de retomber à genoux et d’éclater en sanglots. Il s’approcha davantage, il reprit doucement :

— Je ne veux pas vous interroger, mais pourquoi ne vous confiez-vous pas à moi, au prêtre et non plus à l’ami ?

— Plus tard, balbutia-t-elle, plus tard, je vous le promets.

Cependant, Jeanne avait d’abord patienté sagement, s’amusant à examiner les vitraux, les statues de la grand’porte, les scènes du Chemin de la Croix, traitées en petits bas-reliefs, le long des nefs latérales. Peu à peu la fraîcheur de l’église était descendue sur elle comme un suaire ; et, dans cette lassitude qui l’empêchait même de penser, un malaise lui venait du silence religieux des chapelles, du prolongement sonore des moindres bruits, de ce lieu sacré où il lui semblait qu’elle allait mourir. Mais son gros chagrin était surtout de voir emporter les fleurs. À mesure que les grands bouquets de roses disparaissaient, l’autel se montrait, nu et froid. Ces marbres la glaçaient, sans un cierge, sans une fumée d’encens. Un moment, la Vierge vêtue de dentelles chancela, puis tomba à la renverse dans les bras de deux ouvriers. Alors, Jeanne jeta un faible cri, ses bras s’élargirent,