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LES ROUGON-MACQUART.

sans feuilles et la terre nue. Il faisait très-chaud, une chaleur égale de calorifère ; dans la cheminée, une seule bûche se réduisait en braise. Puis, d’un autre regard, Hélène comprit que le flamboiement du salon était un cadre heureusement choisi. Madame Deberle avait des cheveux d’un noir d’encre et une peau d’une blancheur de lait. Elle était petite, potelée, lente et gracieuse. Dans tout cet or, sous l’épaisse coiffure sombre qu’elle portait, son teint pâle se dorait d’un reflet vermeil. Hélène la trouva réellement adorable.

— C’est affreux, les convulsions, avait repris madame Deberle. Mon petit Lucien en a eu, mais dans le premier âge… Comme vous avez dû être inquiète, madame ! Enfin, cette chère enfant paraît tout à fait bien, maintenant.

Et, en traînant les phrases, elle regardait Hélène à son tour, surprise et ravie de sa grande beauté. Jamais elle n’avait vu une femme d’un air plus royal, dans ces vêtements noirs qui drapaient la haute et sévère figure de la veuve. Son admiration se traduisait par un sourire involontaire, tandis qu’elle échangeait un coup d’œil avec mademoiselle Aurélie. Toutes deux l’examinaient d’une façon si naïvement charmée, que celle-ci eut comme elles un léger sourire.

Alors, madame Deberle s’allongea doucement dans son canapé, et prenant l’éventail pendu à sa ceinture :

— Vous n’étiez pas hier à la première du Vaudeville, madame ?

— Je ne vais jamais au théâtre, répondit Hélène.

— Oh ! la petite Noëmi a été merveilleuse, merveilleuse !… Elle meurt avec un réalisme !… Elle empoigne son corsage comme ça, elle renverse la tête, elle devient toute verte… L’effet a été prodigieux.