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LES ROUGON-MACQUART.

— Oui, oui, je le connais. Je l’aime bien.

Et, de son air câlin :

— Il faut me guérir, monsieur, n’est-ce pas ? Pour que maman soit contente… Je boirai tout ce que vous me donnerez, bien sûr.

Le docteur lui avait repris le pouls, Hélène tenait son autre main ; et, entre eux, elle les regardait l’un après l’autre, avec le léger tremblement nerveux de sa tête, d’un air attentif, comme si elle ne les avait jamais si bien vus. Puis, un malaise l’agita. Ses petites mains se crispèrent et les retinrent :

— Ne vous en allez pas ; j’ai peur… Défendez-moi, empêchez que tous ces gens ne s’approchent… Je ne veux que vous, je ne veux que vous deux, tout près, oh ! tout près, contre moi, ensemble…

Elle les attirait, les rapprochait d’une façon convulsive, en répétant :

— Ensemble, ensemble…

Le délire reparut ainsi à plusieurs reprises. Dans les moments de calme, Jeanne cédait à des somnolences, qui la laissaient sans souffle, comme morte. Quand elle sortait en sursaut de ces courts sommeils, elle n’entendait plus, elle ne voyait plus, les yeux voilés de fumées blanches. Le docteur veilla une partie de la nuit, qui fut très-mauvaise. Il n’était descendu un instant que pour aller prendre lui-même une potion. Vers le matin, lorsqu’il partit, Hélène l’accompagna anxieusement dans l’antichambre.

— Eh bien ? demanda-t-elle.

— Son état est très-grave, répondit-il ; mais ne doutez pas, je vous en supplie ; comptez sur moi… Je reviendrai ce matin à dix heures.

Hélène, en rentrant dans la chambre, trouva Jeanne sur son séant, cherchant autour d’elle d’un air égaré.