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LES ROUGON-MACQUART.

Jeanne se trouve bien, il faut qu’elle descende toutes les après-midi.

Hélène cherchait déjà une excuse, prétextait qu’elle ne voulait pas trop la fatiguer. Mais Jeanne intervint vivement :

— Non, non, le soleil est si bon… Nous descendrons, madame. Vous me garderez ma place, n’est-ce pas ?

Et comme le docteur restait en arrière, elle lui sourit.

— Docteur, dites donc à maman que l’air ne me fait pas de mal.

Il s’avança, et cet homme fait à la douleur humaine eut une rougeur légère aux joues parce que cette enfant lui parlait avec douceur.

— Sans doute, murmura-t-il, le grand air ne peut que hâter la convalescence.

— Ah ! tu vois bien, petite mère, il faudra que nous venions, dit-elle avec un adorable regard de tendresse, tandis que des larmes s’étranglaient dans sa gorge.

Mais Pierre avait reparu sur le perron ; les dix-sept colis de madame étaient rentrés. Juliette, suivie de son mari et de Lucien, se sauva, en déclarant qu’elle était sale à faire peur et qu’elle allait prendre un bain. Quand elles furent seules, Hélène s’agenouilla sur la couverture, comme pour renouer le châle autour du cou de Jeanne. Puis, à voix basse :

— Tu n’es donc plus fâchée contre le docteur ?

L’enfant fit un long signe de tête.

— Non, maman.

Il y eut un silence. Hélène, de ses mains tremblantes et maladroites, semblait ne pouvoir serrer le nœud du châle. Jeanne alors murmura :