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UNE PAGE D’AMOUR.

des fleurs, de grands feux clairs brûlant dans toutes les cheminées. Et ce n’était plus Juliette et Malignon qui se trouvaient là, elle se voyait avec Henri, au fond de cette molle retraite, où les bruits du dehors n’arrivaient point. Elle frissonna dans son peignoir mal attaché. Où donc était-ce ? où donc ?

— Bonjour, petite mère ! cria Jeanne, qui s’éveillait à son tour.

Elle couchait de nouveau dans le cabinet, depuis qu’elle était bien portante. Elle vint pieds nus et en chemise, comme tous les jours, se jeter au cou d’Hélène. Puis, elle repartit en courant, elle se fourra encore un instant dans son lit chaud. Cela l’amusait, elle riait sous la couverture. Une seconde fois, elle recommença.

— Bonjour, petite mère !

Et elle repartit. Cette fois, elle riait aux éclats, elle avait rejeté le drap par-dessus sa tête, et elle disait là-dessous, d’une grosse voix étouffée :

— Je n’y suis plus… je n’y suis plus…

Mais Hélène ne jouait pas comme les autres matins. Alors, Jeanne, ennuyée, se rendormit. Il faisait trop petit jour. Vers huit heures, Rosalie se montra et se mit à conter sa matinée. Oh ! un beau gâchis dehors, elle avait failli laisser ses souliers dans la crotte, en allant chercher son lait. Un vrai temps de dégel ; l’air était doux avec ça, on étouffait. Puis, brusquement, elle se souvint : il était venu une vieille femme pour madame, la veille.

— Tiens ! cria-t-elle en entendant sonner, je parie que la voilà !

C’était la mère Fétu, mais très-propre, superbe, avec un bonnet blanc, une robe neuve et un tartan croisé sur la poitrine. Elle gardait pourtant sa voix pleurarde.