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LES ROUGON-MACQUART.

— Bonjour, Pauline…, Bonjour, père…, répondit celle-ci.

Mademoiselle Aurélie, qui n’avait pas bougé du coin de la cheminée, se leva pour saluer M. Letellier. Il tenait un grand magasin de soieries, boulevard des Capucines. Depuis la mort de sa femme, il promenait sa fille cadette partout, en quête d’un beau mariage.

— Tu étais hier au Vaudeville ? demanda Pauline.

— Oh ! prodigieux ! répéta machinalement Juliette, debout devant une glace, en train de ramener une boucle rebelle.

Pauline eut une moue d’enfant gâtée.

— Est-ce vexant d’être jeune fille, on ne peut rien voir !… Je suis allée avec papa jusqu’à la porte, à minuit, pour apprendre comment la pièce avait marché.

— Oui, dit le père, nous avons rencontré Malignon. Il trouvait ça très-bien.

— Tiens ! s’écria Juliette, il était ici tout à l’heure, il trouvait ça infect… On ne sait jamais avec lui.

— Tu as eu beaucoup de monde ? demanda Pauline, sautant brusquement à un autre sujet.

— Oh ! un monde fou, toutes ces dames ! Ça n’a pas désempli… Je suis morte…

Puis, songeant qu’elle oubliait de procéder à une présentation dans les formes, elle s’interrompit :

— Mon père et ma sœur… Madame Grandjean…

Et l’on entamait une conversation sur les enfants et sur les bobos qui inquiètent tant les mères, lorsque mademoiselle Smithson, une gouvernante anglaise, se présenta, en tenant un petit garçon par la main. Madame Deberle lui adressa vivement quelques mots en anglais, pour la gronder de s’être fait attendre.

— Ah ! voilà mon petit Lucien ! cria Pauline qui se