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LES ROUGON-MACQUART.

— Ma bonne dame, c’est moi, je me suis permis… C’est pour quelque chose que j’ai à vous demander…

Hélène la regardait, un peu surprise de la voir si cossue.

— Vous allez mieux, mère Fétu ?

— Oui, oui, je vais mieux, si on peut dire… Vous savez, j’ai toujours quelque chose de bien drôle dans le ventre ; ça me bat, mais enfin ça va mieux… Alors, j’ai eu une chance. Ça m’a étonnée, parce que, voyez-vous, la chance et moi… Un monsieur m’a chargée de son ménage. Oh ! c’est une histoire…

Sa voix se ralentissait, ses petits yeux vifs tournaient dans les mille plis de son visage. Elle semblait attendre qu’Hélène la questionnât. Mais celle-ci, assise près du feu que Rosalie venait d’allumer, n’écoutait que d’une oreille distraite, l’air absorbé et souffrant.

— Qu’avez-vous à me demander, mère Fétu ? dit-elle.

La vieille ne répondit pas tout de suite. Elle examinait la chambre, les meubles de palissandre, les tentures de velours bleu. Et, de son air humble et flatteur de pauvre, elle murmura :

— C’est joliment beau chez vous, madame, excusez-moi… Mon monsieur a une chambre comme ça, mais la sienne est rose… Oh ! toute une histoire ! Imaginez-vous un jeune homme de la bonne société, qui est venu louer un appartement dans notre maison. Ce n’est pas pour dire, mais au premier et au second, les appartements chez nous sont très gentils. Et puis, c’est si tranquille ! pas une voiture, on se croirait à la campagne… Alors, les ouvriers sont restés plus de quinze jours ; ils ont fait de la chambre un bijou…

Elle s’arrêta, voyant qu’Hélène devenait attentive.

— C’est pour son travail, reprit-elle en traînant la voix davantage ; il dit que c’est pour son travail…