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LES ROUGON-MACQUART.

et elle s’en allait, lorsque la vieille femme se pencha sur la rampe.

— Comment, vous êtes dans l’escalier, ma bonne dame ! cria-t-elle. Mais entrez donc ! ne restez pas à prendre du mal… Oh ! il est traître, une vraie petite mort…

— Non, merci, dit Hélène, voici votre paire de souliers, mère Fétu…

Et elle regardait la porte que la mère Fétu avait laissée ouverte derrière elle. On apercevait le coin d’un fourneau.

— Je suis toute seule, je vous jure, répétait la vieille. Entrez… C’est la cuisine par ici… Ah ! vous n’êtes pas fière avec le pauvre monde. Ça, on peut bien le dire…

Alors, malgré sa répugnance, honteuse de ce qu’elle faisait là, Hélène la suivit.

— Voici votre paire de souliers, mère Fétu…

— Mon Dieu ! comment vous remercier ?… Oh ! les bons souliers !… Attendez, je vais les mettre. C’est tout mon pied, ça entre comme un gant… À la bonne heure ! au moins, on peut marcher avec ça, on ne craint pas la pluie… Vous me sauvez, vous me prolongez de dix ans, ma bonne dame… Ce n’est pas une flatterie, c’est ce que je pense, aussi vrai que voilà une lampe qui nous éclaire. Non, je ne suis pas flatteuse…

Elle s’attendrissait en parlant, elle avait pris les mains d’Hélène et les baisait. Du vin chauffait dans une casserole ; sur la table, près de la lampe, une bouteille de bordeaux à moitié vide allongeait son cou mince. D’ailleurs, il n’y avait là que quatre assiettes, un verre, deux poêlons, une marmite. On sentait que la mère Fétu campait dans cette cuisine