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UNE PAGE D’AMOUR.

de garçon, dont elle n’allumait les fourneaux que pour elle. En voyant les yeux d’Hélène se diriger vers la casserole, elle toussa, elle se fit dolente.

— Ça me reprend dans le ventre, gémit-elle. Le médecin a beau dire, je dois avoir un ver… Alors, une goutte de vin me remet… Je suis bien affligée, ma bonne dame. Je ne souhaite mon mal à personne, c’est trop mauvais… Enfin, je me dorlote un peu, maintenant ; lorsqu’on en a vu de toutes les couleurs, il est permis de se dorloter, n’est-ce pas ?… J’ai eu la chance de tomber sur un monsieur bien aimable. Que le ciel le bénisse !

Et elle mit deux gros morceaux de sucre dans son vin. Elle engraissait encore, ses petits yeux disparaissaient sous la bouffissure de son visage. Une félicité béate ralentissait ses mouvements. L’ambition de toute sa vie semblait enfin satisfaite. Elle était née pour ça. Comme elle serrait son sucre, Hélène aperçut au fond d’une armoire des gourmandises, un pot de confitures, un paquet de biscuits, jusqu’à des cigares volés au monsieur.

— Eh bien ! adieu, mère Fétu, je m’en vais, dit-elle.

Mais la vieille poussait la casserole sur le coin du fourneau, en murmurant :

— Attendez donc, c’est trop chaud, je boirai ça tout à l’heure… Non, non, ne sortez pas par ici. Je vous demande pardon de vous avoir reçue dans la cuisine… Faisons le tour.

Elle avait pris la lampe, elle s’était engagée dans un étroit couloir. Hélène, dont le cœur battait, passa derrière elle. Le couloir, lézardé, enfumé, suait l’humidité. Une porte tourna, elle marchait maintenant sur un épais tapis. La mère Fétu avait fait quel-