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UNE PAGE D’AMOUR.

reille misère. Le matin même, il était monté chez eux, afin de se rendre compte. Un trou sous les toits, avec une fenêtre à tabatière, dont les vitres cassées laissaient tomber la pluie ; là dedans, une paillasse, une femme enveloppée dans un ancien rideau, et l’homme hébété, accroupi par terre, n’ayant même plus le courage de donner un coup de balai.

— Oh ! les malheureux, les malheureux ! répétait Hélène, émue aux larmes.

Ce n’était pas le vieil ouvrier qui embarrassait M. Rambaud. Il le prendrait chez lui, il trouverait bien à l’occuper. Mais la femme, cette paralytique que son mari n’osait laisser un instant seule et qu’il fallait rouler comme un paquet, où la mettre, qu’en faire ?

— J’ai songé à vous, continua-t-il, il faut que vous la fassiez entrer tout de suite dans un hospice… Je serais allé directement chez monsieur Deberle, mais j’ai pensé que vous le connaissiez davantage, que vous auriez plus d’influence… S’il veut bien s’en occuper, l’affaire sera arrangée demain.

Jeanne avait écouté, toute pâle, tremblante d’un frisson de pitié. Elle joignit les mains, elle murmura :

— Oh ! maman, sois bonne, fais entrer la pauvre femme…

— Mais bien sûr ! dit Hélène, dont l’émotion grandissait. Dès que je vais pouvoir, je parlerai au docteur, il s’occupera lui-même des démarches… Donnez-moi les noms et l’adresse, monsieur Rambaud.

Celui-ci écrivit une note sur le guéridon. Puis, se levant :

— Il est deux heures trente-cinq, dit-il. Vous pourriez peut-être trouver le docteur chez lui.

Elle s’était levée également, elle regarda la pendule,