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UNE PAGE D’AMOUR.

Hélène l’empêcha de se déranger. Tout à l’heure. Elle éprouvait seulement une grande lassitude dans les jambes. Machinalement, elle traversa la cuisine, alla près de la fenêtre, où elle voyait la troisième chaise, une chaise de bois, très-haute, qui se transformait en escabeau, lorsqu’on la renversait. Mais elle ne s’assit pas tout de suite. Elle avait aperçu, sur un coin de la table, un tas d’images.

— Tiens ! dit-elle en les prenant, avec le désir d’être agréable à Zéphyrin.

Le petit soldat eut un rire silencieux. Il rayonnait, suivant les images du regard, hochant la tête, quand un beau morceau passait sous les yeux de madame.

— Celle-là, dit-il tout d’un coup, je l’ai trouvée rue du Temple… C’est une belle femme, qui a des fleurs dans son panier…

Hélène s’était assise. Elle examinait la belle femme, un couvercle de boîte à pastilles, doré et verni, que Zéphyrin avait essuyé avec soin. Sur le dossier de la chaise, un torchon l’empêchait de s’appuyer. Elle le repoussa, s’absorba de nouveau. Alors, les deux amoureux, en voyant madame si bonne, ne se gênèrent plus. Ils finirent même par l’oublier. Hélène avait laissé, une à une, tomber les images sur ses genoux ; et, vaguement souriante, elle les regardait, elle les écoutait.

— Dis donc, mon petit, murmurait la cuisinière, tu ne reprends pas du gigot ?

Il ne répondait ni oui ni non, se balançait comme si on l’eût chatouillé, puis s’élargissait d’aise, lorsqu’elle lui mettait une épaisse tranche sur son assiette. Ses épaulettes rouges sautaient, tandis que sa tête ronde, aux grandes oreilles écartées, avait le branlement d’une tête de magot, dans son collet jaune. Il