Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
362
LES ROUGON-MACQUART.

sueur, elle restait appesantie, la face blême, allumée d’une flamme aux pommettes.

— C’est une phtisie aiguë, murmura-t-il enfin, parlant tout haut sans le vouloir, et ne témoignant aucune surprise, comme s’il eût prévu le cas depuis longtemps.

Hélène entendit et le regarda. Elle était toute froide, les yeux secs, dans un calme terrible.

— Vous croyez ? dit simplement le docteur Bodin, en hochant la tête, de l’air approbatif d’un homme qui n’aurait pas voulu se prononcer le premier.

Il ausculta l’enfant de nouveau. Jeanne, les membres inertes, se prêta à l’examen, sans paraître comprendre pourquoi on la tourmentait. Il y eut quelques paroles rapides échangées entre les deux médecins. Le vieux docteur murmura les mots de respiration amphorique et de bruit de pot fêlé ; pourtant, il feignait d’hésiter encore, il parlait maintenant d’une bronchite capillaire. Le docteur Deberle expliquait qu’une cause accidentelle devait avoir déterminé la maladie, un refroidissement sans doute, mais qu’il avait observé déjà plusieurs fois la chloro-anémie favorisant les affections de poitrine. Hélène, debout derrière eux, attendait.

— Écoutez vous-même, dit le docteur Bodin en cédant la place à Henri.

Celui-ci se pencha, voulut prendre Jeanne. Elle n’avait pas soulevé les paupières, elle s’abandonnait, brûlée de fièvre. Sa chemise écartée montrait une poitrine d’enfant où les formes naissantes de la femme s’indiquaient à peine ; et rien n’était plus chaste ni plus navrant que cette puberté déjà touchée par la mort. Elle n’avait eu aucune révolte sous les mains du vieux docteur. Mais, dès que les doigts d’Henri l’ef-