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UNE PAGE D’AMOUR.

Hélène sembla d’abord ne pas comprendre. Cette idée où, malgré sa tolérance, le prêtre reparaissait tout entier avec son souci des intérêts du ciel, la surprenait, la blessait même un peu. Elle eut un geste d’insouciance, en disant :

— Non, non, je ne veux pas qu’on la tourmente… Allez, s’il y a un paradis, elle y montera tout droit.

Mais, ce soir-là, Jeanne éprouvait un de ces mieux trompeurs qui illusionnent les mourants. Elle avait entendu l’abbé, avec ses fines oreilles de malade.

— C’est toi, bon ami, dit-elle. Tu parles de la communion… Ce sera bientôt, n’est-ce pas ?

— Sans doute, ma chérie, répondit-il.

Alors, elle voulut qu’il s’approchât, pour causer. Sa mère l’avait soulevée sur l’oreiller, elle était assise, toute petite ; et ses lèvres brûlées souriaient, tandis que, dans ses yeux clairs, la mort passait déjà.

— Oh ! je vais très-bien, reprit-elle, je me lèverais, si je voulais… Dis ? j’aurai une robe blanche avec un bouquet ?… Est-ce que l’église sera aussi belle que pour le mois de Marie ?

— Plus belle, ma mignonne.

— Vrai ? Il y aura autant de fleurs, on chantera des choses aussi douces ?… Bientôt, bientôt, tu me le promets ?

Elle était toute baignée de joie. Elle regardait devant elle les rideaux du lit, prise d’une extase en disant qu’elle aimait bien le bon Dieu, et qu’elle l’avait vu, quand on chantait les cantiques. Elle entendait des orgues, elle apercevait des lumières qui tournaient, pendant que les fleurs des grands vases voyageaient comme des papillons. Mais une toux violente la secoua, la rejeta dans le lit. Et elle conti-